avec Marine Dricot et Alix

Comment vous êtes-vous retrouvés à travailler ensemble ?

Marine : Alix est venu me chercher il y a deux ans. Il n’y avait pas encore grand chose de moi sur la toile, des clips pour les Robbing Millions et un pour Carl-et-les-Hommes-Boites que j’avais co-réalisé avec mon ami Gaspard Ryelandt. C’est grâce à ces clips qu’il m’a découvert. Il a fait le pari de me faire confiance après qu’on ait beaucoup échangé. Ils m’ont envoyé leurs démos et j’ai flashé sur Cabriolet. J’ai écrit le scénario, il fallait de l’imagination pour faire confiance à la version papier mais il a été d’accord. Puis j’ai reçu le master, la chanson avait beaucoup changé et l’histoire du coup a grandie avec. On a mis un an et demi, des premiers échanges avec Alix à la réalisation. C’était un confort tellement génial ! J’ai eu autant de temps pour le penser que pour un long métrage ! Le temps est un des cadeaux les plus précieux dans le monde du clip.



Un an et demi, le temps est un cadeau précieux dans le monde du clip




Alix : Il y avait quand même ce blog que Marine tenait, une photo ou un film par jour accompagné d’un texte, et j’ai plongé dedans toute une nuit. J’ai décidé de la contacter en suivant parce que j’avais l’impression de la connaître, j’avais tout lu ! Elle est effectivement responsable de ma découverte de Robbing Millions, un groupe qu’on a invité ensuite à faire notre première partie à l’Olympia. Ils sont supers bons.

Dans Cabriolet, un homme bodybuildé et une femme qui semble perdue vivent une aventure fantastique. Pouvez-vous nous en décrire l’intrigue ?

Marine : Dans un train de forêt rempli de bagages, partant tout droit vers les vacances, la fille craint son amour perdu. La cabine scande sa lumière un coup sur deux, au dessus de l'autel de leur future maison encastrée dans la carcasse. Une fille qui fait l’autruche et qui s’accroche toute seule. Il finit par la quitter d’un bête signe de la main, parce qu’un départ est toujours maladroit. C’est une rupture qui pleure la perte de quelqu’un qui siégeait déjà comme une image depuis le début.


Quel est le personnage principal, le couple ou la fille ?

Marine : L’histoire quitte le garçon en même temps que lui quitte la fille, c’est à dire assez rapidement dans le clip, comme si on était les amis de la meuf, pour mieux asseoir son rôle à elle dans l’histoire. Dès le début il est impassible, proche d’un beau corps mort. Un « beau » couple ? Une idée en tous cas, quelle qu’elle soit… Ça parle du « juste après », avec je l’espère, plusieurs tons.


Que trouvent-ils plongés dans l'univers d’Odezenne?

Alix : J’ai plutôt l’impression que la question devrait être : qu’est ce que trouve Cabriolet dans l’univers de Marine ! Ce qu’elle a accompli ici, c’est l’essence même de ce qui m’a plu chez elle, sa poésie, son humour et sa créativité. Je trouve qu’on se familiarise avec ce clip au fil des visionnages, petit à petit. Au premier regard, on accueille d’abord son univers de manière étrange pour y trouver en seconde lecture le caractère onirique et le « deuxième-premier » degré. On s'approprie les décors, puis les personnages, et enfin l’histoire. Tout comme j’aime découvrir des sens ou des mélodies cachées dans un morceau après 1000 écoutes, j’aime qu’un clip ne me dise pas tout tout de suite !



La question devrait être plutôt qu’est ce que trouve Cabriolet dans l’univers de Marine !!




C’est un gros clip de drama queen !




Marine : J’avais envie de me mettre à la place de la fille et aussi parfois de la regarder depuis l’extérieur, rendant ses poussées de désespoir surdimensionnées par rapport à ce que nous connaissons de l’homme. Après la rupture, il y a un filet d’eau qui tombe en continu sur les épaules de l’homme alors qu’il pleure des mouchoirs secs, bloqué dans sa parcelle de décor indélébile dont seules les couleurs peuvent changer. La fille débarque en pleurs sur une île déserte depuis l’eau, elle enfile les chaussures de son ex, s’essaye à un jogging de reprise en main prématuré, pour terminer par se tirer dans les pieds. Elle tente un selfie, sa dignité qui coule. Elle se fait prendre en stop pour se retrouver en train de sombrer en mer dans cette voiture pour laquelle elle n’est pas prête. Encore et toujours de l’eau : c’est un gros clip de drama queen, on peut le dire ! On regarde cette fille qui essaye de s’en sortir ou qui parfois n’essaye plus. Avec ce type de l’autre côté dont il ne reste qu’un vague souvenir pop et qui ne revient qu’à la fin, quand la brume finit par le quitter et que le soleil d'un nouveau dessein se pointe pour elle.


Beaucoup de ces décors sont faux. Plus de la moitié des images sont faites en compositing




On retrouve un thème de jungle, un peu comme Boubouche, et aussi un thème de mer, un peu comme Matin. Y a-t-il une continuité à voir dans vos clips ?

Marine : La forêt, on s’en était pas parlé plus que ça. Pour la mer, il y a pas mal de hasard, Alix m’avait parlé de piscine un moment, comme le clip termine par la fille qui nage on est plus revenus dessus. Après je trouve ça plutôt cool ce côté éclaté dans les différents styles de leurs clips. Une bonne partie du clip a été tournée au Portugal où j’avais fait des repérages un an plus tôt, j’avais une liste de plans précis et aussi pas mal de simples intentions pour faire des trucs improvisés. Judith n’est pas du genre radine de son énergie et de son talent. Même si ce fil est éclaté, tant mieux s’il en existe un entre leurs clips sans avoir à bourriner dedans. C’est que la musique l'évoque toute seule. C’est que leur univers est assez fort.

Alix : En fait, ayant réalisé la direction artistique de Boubouche, je lui ai volé la jungle, mais elle ne le savait pas jusqu’à maintenant ! Pour le reste, c’est un hasard.



C’est une fille qui pleure la perte de quelqu’un qui siégeait déjà comme une image




D’où viennent tous ces décors ?

Marine : Beaucoup de ces décors sont faux. Plus de la moitié des images sont faites en compositing. La forêt par exemple, c’est une composition avec une centaine de photos que j’ai faites en Chine et de vidéos d’arbres qu’on a tourné au Portugal avec mon chef op Florian Berutti. Là-bas, on a aussi filmé pas mal de rochers, de mer, tout ça, pour me faire de la matière sur laquelle réinventer des compositions. Le train par contre est bien réel et créé par le collectif « La superette », des Belges super forts. Il y a aussi mon accessoiriste Isabelle Derr qui participe à fond de cette esthétique un peu bricoleuse assumée depuis le début de mes clips.

Retour à l'avant-première de Cabriolet


Description de Cabriolet

Dans un train-forêt rempli de bagages, partant tout droit vers les vacances, la peur d'un amour perdu. La cabine crache sa lumière un coup sur deux, leur future maison encastrée dans la carcasse. L'empressement à vouloir savoir, aussi urgent qu'un train à prendre pour une autruche. La peur de la mauvaise haleine quand on n'a pas parlé depuis longtemps.

Et puis la vérité bien concrète d'un départ, toujours maladroit. Les flots de larmes qui tombent et qui noient. La brasse solitaire, le footing de reprise en main prématurée. Un selfie tremblant, suintant la dignité qui coule. Se tirer dans le pied.
Enfin la grotte, plus chaude que partout ailleurs. L'eau, encore de l’eau; et le soleil d'un nouveau dessein qui pointe.

Marine Dricot



Biographie de Marine Dricot

Marine Dricot est une photographe et réalisatrice belge née le 16 avril 1988.

Son travail photographique a entre autre été exposé au musée OCT de Shenzhen, au Palazzo Stelline de Milan, au Museo Laboratorio di Arte Contemporanea de Rome, au Flanders center d'Osaka, au Musée BELvue de Bruxelles…

Son film photographique Petit Lait a obtenu la mention spéciale du jury et le prix du public au festival Les nuits photographiques à Paris.

Depuis 2013, elle a réalisé une quinzaine de clips pour Robbing Millions, School is Cool, Aksak Kaboul, The Van Jets, Carl et Les Hommes Boites, Castus, Nicolas Michaux, De La Montagne et maintenant Odezenne.